Accueil Société Campagne céréalière à mi-parcours : On ne se trompe pas dans les prévisions !

Campagne céréalière à mi-parcours : On ne se trompe pas dans les prévisions !

On a tant évoqué et pointé du doigt le phénomène de l’épiaison précoce, qui avait, en février dernier, gagné nos champs de blé, sans en cerner les causes et les effets sur la moisson de l’été. Et ceux qui ont jugé de ses répercussions sur le cycle de croissance de la plante ne se trompent pas dans leurs prévisions, semble-t-il. 

 En fait, on récolte ce que l’on a semé ! Et pour cause. Bien que la campagne céréalière ne révèle pas encore ses secrets, la récolte s’annone, cette année, moins bonne que souhaité. Les estimations des agriculteurs tablent sur 10 millions de quintaux au total, dont à peine 7 millions de quintaux seraient collectés. Vous diriez pourquoi une telle situation, alors que la saison 2024- 2025 était bien arrosée. Car ce n’est pas uniquement cette manne céleste qui peut nous rassurer sur une bonne récolte. Une hirondelle ne fait pas le printemps, comme on dit. D’autres facteurs entrent en jeu et concourent à donner des arguments : la préparation de la terre, les semences utilisées, les conduites culturales adoptées et le suivi d’un paquet technique judicieux et régulier. 

La moisson avant la moisson !

Faute de mieux, on risque d’avoir des anomalies agricoles. L’épiaison précoce fut un cas d’école. Avertis, des agronomes avaient, alors, estimé de 40 à 60 % les pertes de la récolte attendue. « Epiaison en plein hiver ! C’est une véritable catastrophe qu’on n’a jamais vue », s’étonnent-ils, attribuant le phénomène à des facteurs éco-naturels. Du côté des officiels agricoles, silence radio ! Seulement des communiqués imprécis et ramassés, défendant un raisonnement bancal loin d’être convaincant. Et selon lesquels, les raisons d’un tel phénomène sont étroitement liées aux aléas du climat, mais aussi à la quantité de pluie tombée au moment du semis et les semaines qui l’ont suivi. 

Or, ce n’était qu’un prétexte vivement dénoncé par nombre d’agriculteurs qui n’ont jamais été satisfaits des prestations de leur ministère : ses dispositions de routine pour le bon démarrage de la campagne céréalière, jugent-ils, sont plus souvent tronquées et ne répondent guère à leurs besoins en engrais, pesticides et semences nécessaires. Vulgarisation et formation agricole, on n’en parle pas ! L’agence qui s’en charge est toujours aux abonnés absents, bien qu’elle existe, il y a maintenant 35 ans. Elle aurait dû donner le ton et apporter de plus amples explications sur le phénomène. « Sur ce plan, il n’y a plus ni de suivi ni d’accompagnement. On navigue à vue », répliquent certains céréaliculteurs.  

Car, à l’en croire, voir des épis si tôt bien remplis, des semaines après les semis, relève de l’insolite. Et voir, actuellement, des champs de blé entièrement récoltés, bien avant les délais semble encore beaucoup plus étonnant. Constat de visu pas si rassurant: certains champs de  blé dur, à Kairouan et dans bien d’autres régions au nord-ouest sont déjà arrivés à maturité complète, faisant ainsi exception. La moisson avant la moisson, en quelque sorte ! « Telle une fausse couche provoquant le décès de l’embryon !  », qualifie un des agriculteurs. Alors que, compare-t-il, d’autres parcelles au même endroit, sous le même climat, n’ont pas subi le même sort. Certes, dirait-on, il y a une graine et une graine, dont la différence consiste en la qualité des semences utilisées et leur adaptation à leur environnement. 

Consommer local, exhorte le Président

D’ailleurs, comme l’a rappelé Radhouane Bouguerra, céréaliculteur exploitant plus de 30 hectares du blé dur, soit 15 ha « Saragolla », 5 ha «Iride » et 10 ha « Inrat 100 », tous cultivés en régime irrigué : « Ce n’est que pour le cas « Inrat 100 » qui a été affecté par le phénomène d’épiaison précoce ». Le reste des parcelles, argue-t-il, observe une croissance naturelle. Mais pas que Radhouane qui s’approvisionne encore en ces deux variétés, à savoir Saragolla  et Iride, d’autres continuent à les planter dans leurs champs particuliers, à Béja, à Jendouba et à Bizerte. 

Introduites de l’Italie pour être inscrites sur notre registre variétal local depuis 2010, ces deux variétés de blé dur ont déjà fait preuve de fertilité génétique, de résistance aux aléas du climat, mais aussi de bonne qualité boulangère. « Elles résistent mieux et produisent plus », témoignent des céréaliculteurs toujours fidèles à ces variétés. Pour les introduire en Tunisie, une délégation d’experts et d’agriculteurs s’était rendue, en juillet 2007, en Italie, à l’initiative de feu général de corps d’armée Youssef Baraket, président du Groupement des producteurs de céréales à Béja, et du patron de la Stima (Société tunisienne des intrants et matériels agricoles), Abdelmonôm Khelifi, avec la participation des céréaliculteurs, tels que Mondher Gharbi, Zied Rouro, Kamel Bedouihech, Noureddine Ben Youssef, ainsi que d’experts agricoles, Hatem Kacem, Moncef Harrabi, Amor Behi et feu Abdelaziz Houaydia. Cette visite, rappelle M. Khelifi, s’inscrivait dans le cadre d’un partenariat public-privé visant l’autosuffisance en blé dur, tremplin pour la sécurité alimentaire. Sur quoi le Président Kaïs Saied a toujours misé, dans la perspective de consommer local et de réduire de notre dépendance aux importations. 

En matière de céréales, faut-il le dire, la Tunisie importe chaque année près de 30 millions de quintaux dont principalement du blé tendre pour la fabrication du pain. Soit, on consomme beaucoup plus que l’on produit, injectant ainsi l’équivalent de 3 mille milliards de blé de consommation pour couvrir la moitié de nos besoins nationaux. 

« Cette année, environ 4.000 hectares de blé dur cultivés en régime pluvial sont, déjà, semés de la variété « Saragolla », dont 1.000 hectares sont répartis sur des champs de multiplication créés dans les régions de Bizerte, Béja et Jendouba », indique M. Khelifi.

Et si une telle variété, aussi prolifique soit-elle, était généralisée, afin d’accroître de plus en plus la production de blé dur qui permettrait de compenser les frais d’importation de blé tendre. « Cela pourrait nous faire gagner autant de fonds censés renflouer les caisses de l’Etat », a-t-il conclu.  

Charger plus d'articles
Charger plus par Kamel FERCHICHI
Charger plus dans Société

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *